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photo dévoilée par de Loys, “le singe ameranthropoidé a une stature debout d'environ un mètre et quart (...) par rapport aux autres singes qui ne dépassent pas 90 cm de stature debout". Il a même pris soin de mettre un de ses collègues chercheurs sur une caisse à essence similaire pour prouver ses résultats, rien n’est laissé au hasard.

Je suis assez émerveillé. Ce singe ressemble fortement, à quelques poils près, au vieux Joe. Plus sérieusement, sa carrure très similaire à la nôtre d’être humain me fascine. Posé sur ce qui ressemble à des caisses, sa tête tenue avec un grand bâton planté dans le sol, j’en déduis qu’ils ont dû surement le capturer mort, le cliché semble trop parfait pour qu’il ait pris la pose de son plein gré. Ou bien peut-être a t-il des capacités cognitives aussi similaires aux nôtres pour pouvoir agir de la sorte ? Tout est envisageable.

 

Cependant, je suis surpris que cela soit George Montandon qui dévoile tout cela, alors que c’est le chercheur François de Loys qui fait cette découverte majeure. D’habitude, les scientifiques ne se privent pas de se pavaner, à juste titre, de leurs découvertes. J’en saurai plus au fil de mes lectures.

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Dans cette interview, il raconte comment il a approché puis capturé ce que Montandon a désormais nommé Ameranthropoid loysi. Il décrit le physique de la nouvelle espèce comme ayant “un corps énorme, sombre, velu" et nous fait part de quelques détails inédits du moment de l’attaque: “La bête tomba dans une frénésie, poussant des cris aigus retentissants et frappant frénétiquement sa poitrine velue avec ses propres poings. Elle arracha ensuite d’un coup une branche d’arbre, la maniant comme un homme le ferait d’un grondin, fait pour me tuer. Je devais tirer. [...] Criblé de balles, le grand corps tomba à mes pieds et trembla. Il rassembla ses bras au-dessus de sa tête comme pour cacher son visage et il expira.” 

Voilà un épisode bien sombre de cette histoire. Mais, un détail m’intrigue. Le chercheur parle d’un corps criblé de balles… mais je ne vois aucune trace sur la photographie qu’il a lui-même prise. C’est troublant. Je me dis qu’elle a certainement été retouchée pour pouvoir rendre les restes de l’animal présentables. Mais cela ne renforce pas la confiance en sa démarche scientifique.

 

Une autre déclaration de sa part m’a frappé: “L’autre (le singe mâle) nous fixa pendant un long moment, puis fixa le corps de son partenaire mourant, et poussant un cri perçant, dont l’horreur retentit encore dans mes oreilles. Il se retourna et détala hors de notre vue dans la jungle impénétrable.” Et pourtant, celui-ci a jusqu’alors toujours été déclaré blessé. Or ici, pas de nouvelle référence à ce détail. Peut-être s’en est-il mieux sorti que prévu au final.

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Salut mon vieux carnet. J’ai pris l’habitude de t’abandonner ces derniers temps, n'est-ce pas ? J’en suis le premier peiné. Mais après la guerre beaucoup de choses se sont passées dans ma vie et l’ameranthropoide est resté bien loin de mes pensées. Et si je rature de nouveau tes pages aujourd’hui, je ne viens pas avec de bonnes nouvelles. Le vieux Joe est mort. Une mort douce au milieu de tout son bazar. C’est certainement une bonne chose. Le pauvre vieux ne voyait plus personne et ne mettait plus le nez dehors. Il a rejoint Marie-Claude dont je me demande comment il a pu survivre tout ce temps.

 

Toujours est-il, qu'en rangeant toutes ses paperasses, je suis retombé sur son tiroir spécial améranthropoide. Il avait continué à entasser tout ce qu’il trouvait sur le sujet et il faut dire que depuis le temps, de nombreux chercheurs ont produit des travaux sur l'animal.

 

 

Il y explique que la trouvaille de François de Loys n’en est tout simplement pas une, mais plutôt un animal bien plus connu des scientifiques. “Cette photo publiée par un géologue suisse, le docteur François de Loys, est manifestement celle d'un atèle, qui est un primate sud-américain aux caractères très typiques que l'on peut voir dans n'importe quel zoo. Il présente tous les traits de cette espèce: épaules étroites, thorax déprimé bilatéralement, longueur relative des bras et des jambes, détails des mains et des pieds, et clitoris très développé chez la femelle.” Et pour lui, pas de doute. Cette “erreur” est volontaire, et même grossière. “La photographie originale n’est pas seulement à l’origine d’une erreur d’identification,

Le premier d’entre eux provient d’un américain, il s’appelle Ivan Terence Sanderson, et il est biologiste. 

 

Il a sorti un livre en 1961 appelé Hommes-des-Neiges et Hommes-des-Bois où il traite de cryptides en tout genre, et notamment de notre améranthropoïde.

AVRIL 1965

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elle constitue une véritable mystification. J’aurais cru que tout le monde s’en serait aperçu, même sans voir la photo, uniquement d’après le récit de son auteur.” Sanderson continue en pointant un autre fait qui jette un vrai trouble sur le sérieux de son affaire, non sans ironie : “N’oublions pas que cet homme était rompu aux méthodes scientifiques (...) il a donné solennellement la tête de l’animal à son cuisinier pour qu’il la fasse bouillir et utiliser son crâne comme salière, et suite à la sécheresse il aurait disloqué et serait tombé en morceaux.” Loquace, et très étonnant comme application de la démarche scientifique, je le consent. 

Enfin, d’autres enterrent définitivement la bête en criant au canular. Je lis avec stupéfaction ces phrases du scientifique français Raymond Fiasson :

 

“Je crois ici pouvoir faire état d'une conversation que j'ai pu avoir à Caracas avec le Dr Enrique Tejera, ancien ministre de l'Education nationale (du Vénézuela) et savant fort distingué ayant séjourné longtemps en France. Il m'a affirmé qu'étant alors médecin de la compagnie pétrolière Mene Grande, près de Maracaibo, il avait connu la mise en scène de Loys qui avait tout simplement photographié un atèle mort tout près du camp. La démonstration, disait-il, en était faite par la présence d'un pied de bananier visible à l'arrière-plan de l'original. Le bananier a été introduit en Amérique et ne saurait pousser à l'état sauvage dans les forêts inexplorées du Haut-Tarra.” 

Et je crains que ce n’est là que le premier constat d’une longue série de remises en cause. L’anatomiste britannique William Charles Osman Hill s’attaque lui aussi à la taille de l’animal. Dans une de ses études sur les primates, il pointe le fait que les proportions utilisées pour calculer sa grandeur à partir de la photo ont été faussées par la faible hauteur de la caisse. Il ne ferait donc plus 1 mètre 57, mais 1 mètre 09 soit quasiment 50 cm de moins… Ce qui enlève encore un peu de sa superbe.

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Cela fait bien longtemps que je n’ai pas mis à jour ce carnet. Il faut dire que j’ai été pas mal occupé. Mais ce n’est pas l’endroit pour raconter mes péripéties. Cependant quelque chose d’assez cocasse s’est passé quelques jours avant que je rentre à la maison. Alors que nous recevions comme d’habitude les nouvelles du front. Une lettre et surtout un nom m’a sauté aux yeux, George Montandon. Je fus ébahis par ce que je découvris à l’intérieur. Un attentat visant sa villa de Clamart aurait été organisé par des résistants à la veille de la Libération de Paris le 3 août. Gravement blessé, il serait mort des suites de ses blessures dans un hôpital allemand le 30 août 1944.

 

Je me suis donc empressé de faire de nouvelles recherches sur lui afin de comprendre les raisons de cette attaque. Et bien il faut dire que je ne fus pas déçu du voyage. Né en Suisse, il s’est découvert une passion pour l’ethnologie dont il a fait son métier. Mais ça, je le savais déjà. J’ai surtout appris que son parcours fut très politisé : il s’encarte auprès des communistes après le coup d’état de Lénine en 1917, fasciné par ce que le pays réalise et sa puissance aux yeux du reste du monde. Cette posture va prendre un tournant assez incrédule. Dans les années 30, il publie plusieurs écrits visant la communauté juive avec des positions ouvertement racistes. 

 

Mais je ne suis pas au bout de mes surprises, alors que je lis qu’il a eu une participation active... dans la déportation des populations juives de notre pays chez les nazis. Montandon fut nommé expert ethno-racial auprès du Commissariat général aux Questions Juives, organe lié au gouvernement traître de Vichy : les «expertises» de Montandon, basées sur la forme du lobe de l'oreille et autres critères pseudo-scientifiques, valaient un billet de train pour les camps de la mort, pour celui qu'il déclarait «juif». C’est ahurissant… Voilà donc ce qui pourrait expliquer que George Montandon ait été victime d'un attentat par mes frères d’armes. Je ne cache pas ma haine intérieure envers celui qui fut donc un de mes ennemis pendant cette maudite Guerre.

JUIN 1945

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Cela prend une autre tournure lorsque quelques phrases plus loin, ce même de Loys explique que l’existence de ce même singe à l’allure humaine peut également être un argument... contre cette même théorie! Tout ça m’a laissé pantois et m’a d’autant plus incité à découvrir la suite de son exposé. On y apprend qu’il aurait croisé non pas un, mais deux spécimens. Un mâle et une femelle. Fascinant. Pour pouvoir garder trace de sa découverte, il décide de mettre un terme à leur cavale et raconte : “L’un des deux fut touché à mort à très courte distance; l’autre, hélas blessé, réussit à s’échapper et disparait dans la jungle, dont la grande épaisseur empêcha de le retrouver”. Il raconte ensuite qu’il va l’examiner, le mettre en position assise sur une caisse et le photographier immédiatement.

 

Il continue en détaillant les spécificités de l’animal. Il déclare que celui-ci est un grand singe d’une taille “peu commune” d’ 1 mètre et 57 centimètres, “contrastant radicalement avec les espèces locales” connues jusqu’à ce jour selon lui. Un grand manteau de poils recouvre son corps. Il possèderait également 32 dents. Mais le détail qui semble frapper le chercheur, et qui ne m’avait pas traversé l’esprit jusque alors, c’est sa queue: il n’en a pas. Enfin… elle n’en a pas. Puisque le spécimen qu’il a pu avoir est la femelle. Tous ces éléments amènent François de Loys à penser qu’il ne peut avoir de lien ou de ressemblance avec une espèce connue du monde scientifique, et qu’il est bien là face à une trouvaille inouïe. Une trouvaille qu’il veut être la pierre manquante à l’explication de l’évolution des êtres humains. Il conclut en expliquant, que cet améranthropoïde local serait la preuve même qu’il n’existe pas un, mais plusieurs berceaux de l’espèce humaine : “Cette découverte montre que l’Amérique a développé ses propres anthropoïdes, tout comme l’Asie et l’Afrique ont développé les leurs, contredisant la théorie adoubée qui prône que l’Asie centrale serait le seul et unique berceau de l’Humanité”

 

Et si il avait raison ? Envers et contre toute la communauté scientifique qui se serait honteusement trompée. Après tout… au vu des preuves par le texte et surtout l’image, on est en droit de se poser la question. En tout cas, quand je vois la pile d’écrits que m’a apportée le vieux Joe à ce sujet, les médias ont su s’emparer du sujet. Et cela au-delà des frontières de notre Vieux continent puisque le 2ème papier qu'il me mit entre les mains fut un article du respecté Washington Post.

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J’ai travaillé de nuit aujourd’hui. J’étais vraiment épuisé en quittant ce matin, mais qu’elle ne fut pas ma surprise de voir le vieux Joe m’attendre à la sortie. Il m’a sauté dessus et m’a dit avoir mis la main sur des choses très intéressantes concernant notre affaire. Mon envie de dormir a immédiatement été remplacée par mon envie de découvrir ce dont il me parlait. 


Une fois chez lui, il me sort un petit tas de feuilles d’un tiroir de son bureau et m’en tend une. Il s'agissait d’un article de François de Loys écrit en anglais. En plein milieu, une photo en gros plan, la même que Montandon dévoile dans ses écrits. Un titre : "UNE LACUNE COMBLÉE DANS L'ÉVOLUTION DE L'HOMME ?", un paragraphe présentant une “découverte sensationnelle en Amérique du Sud”, et un plaidoyer en faveur de ce qu’il a découvert quelques années plus tôt.

 

Mon anglais n’est pas fluide, mais j’en connais assez pour découvrir ce qu’il a à nous confier sur ce singe à moitié humain. Ce que j'ai déjà noté, c’est que ce Suisse a une extrême confiance en ses trouvailles. Il introduit son article de cette manière : “Leur existence et leur grande similarité anatomique et physiologique avec l’homme a toujours été un argument en faveur de la Théorie de l’évolution (...) mais cette découverte peut aussi être un argument substantiel à la réfutation de cette même théorie”.  J’avoue que cet aplomb me surprend.

 

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Plus j’en apprends, plus cette histoire d’améranthropoide continue de m'interroger. J’étais persuadé que nous avions découvert toutes les grandes espèces présentes sur Terre mais il s’agit apparemment d’une véritable trouvaille.

JUIN 1929

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J’ai fait quelques recherches sur ce fameux François de Loys. Et si je ne m’explique toujours pas son silence, il m’a bien l’air d’être quelqu’un de tout à fait sérieux. C’est un géologue, parti trois ans en expédition dans les montagnes de la Sierra à la frontière du Venezuela et de la Colombie. Il y a découvert de nombreux gisements de pétroles ainsi que ce fameux grand singe.

Quant à l’auteur des articles, c’est un peu plus flou. J’ai trouvé quelques informations sur sa vie mais rien qui ne me permette de juger de son sérieux ou non. Montandon est chirurgien à Lausanne, passionné d’ethnologie. Je sais aussi qu’il est communiste et qu’il s’est rendu en Russie après la grande guerre pour aider la Croix Rouge à rapatrier les prisonniers de guerre autrichiens. Peu d’informations et pas de quoi pouvoir en tirer un portrait du bonhomme. 

Là où cette affaire m’interpelle c’est surtout que je n’ai trouvé aucune déclaration de François de Loys dessus. Je ne peux pas être convaincu d’une telle découverte si la personne à son origine ne la confirme pas. Surtout si elle sort des années plus tard, par un homme sur lequel peu d’informations circulent, et qui ne m’a pas l’air d’être un scientifique reconnu. Mais bon, si la nouvelle est arrivée jusqu'à moi, il est certain qu’elle a fait le tour du milieu scientifique. De Loys va bien être obligé de s’exprimer sur la question et de raconter si cette histoire est vraie ou si ce n’est qu’une vaste fumisterie.

Je vais essayer de garder un œil sur tout ce qui peut sortir dans la presse et j’ai demandé au vieux Joe d’en faire de même.

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En arrivant chez lui, Joe m’a immédiatement sorti d’un tiroir de son bureau, trois feuilles de papier jaunies par leur vécu. Toutes griffonnées par ce George Montandon. Le premier sur lequel je me suis penché émane d’un compte rendu de l’Académie des Sciences, publié au début de l’année 1929. J’y ai trouvé les premières révélations sur un “singe d’apparence anthropoïde en Amérique du Sud”.

Le second article a été publié un mois plus tard, en avril. C’est un papier qu’il présente à la Société des Américanistes de Paris. A l'intérieur, se trouve une photo du fameux spécimen.

Quant au troisième, il est sorti dans une revue scientifique italienne un an plus tard avec pour titre Précisions relatives au grand singe d’Amérique du Sud.

Difficile de résumer le contenu complexe de ces trois articles mais pour faire bref, Montandon explique avec détail comment s’est passé la rencontre avec la bête, même si une petite erreur s’y est glissée. Dans son premier papier, il parle de l'affluent droite du Rio Tarra. Or, dans celui-ci, il se met à expliquer que l’espèce aurait été entrevue près de l'affluent gauche du Rio Tarra.

 

Qu’à cela ne tienne, il s’agit certainement d’ une erreur d’inattention. Il insiste aussi sur le fait que son Ameranthropoïde loysi ne correspond à aucun autre singe déjà découvert. Par ses photos, le chercheur expose les différences qu’il remarque entre son animal et les autres lui ressemblant. Pour lui, après quelques savants calculs à partir de la seule

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L’usine a fermé plus tôt aujourd’hui. Une histoire de maintenance ou de réparation, je n’ai pas trop bien compris. Tout le monde était très content quand le chef nous l’a annoncé. Mais moi je ne me fais pas trop d’illusions, ces heures qui ont sauté ne nous seront pas offertes, il va falloir les rattraper. Mais bon c’est quand même sympa de quitter un peu plus tôt. J’en ai donc profité pour aller voir le vieux Joe. Depuis que sa femme est morte, il ne voit plus grand monde et passe son temps à lire des journaux et des magazines. Je l’ai toujours pris pour un vieil érudit mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit à ce point. Il doit bien recevoir une dizaine de périodiques par jour. Et on voit bien que Marie-Claude n’est plus là pour passer derrière lui, sa maison est en train de devenir un véritable dépotoir. Mais lui a l’air de bien se porter, et c’est bien ça le plus important. Il était très heureux de me voir et comme à son habitude, il n’a pas arrêté de parler. Je n’ai quasiment pas pu en placer une mais pour une fois ses histoires étaient plutôt intéressantes. Une m’a particulièrement interpellé. 

 

Il y a une dizaine d'années, je devais alors avoir 10 ans, une rumeur s'était répandue dans notre village et aux alentours. Des animaux avaient été retrouvés totalement massacrés et plusieurs paysans disaient avoir aperçu une bête ressemblant à une sorte d’homme singe immense qui en serait l'auteur. Finalement, tout cela s’est avéré être faux, personne ne se cachait dans les bois et les bêtes avaient été attaquées par des loups. A l’époque, mon imaginaire tournait à plein régime et je rêvais de découvrir cette nouvelle espèce. Après même que cette histoire soit retombée dans l'oubli, j’ai gardé pendant longtemps ce souhait de mettre la main sur une créature encore inconnue et qui vivrait cachée de l’humanité.

 

Et bien apparement quelqu’un l’a fait, quelqu’un a réalisé mon rêve. D'après le vieux Joe, une étrange créature a été trouvée par un Suisse en expédition au Vénézuela. Il a eu du mal à se souvenir de tout mais il s'agirait d’un grand singe jusque là inconnu. Je lui ai demandé de me retrouver les articles qu’il a lus sur le sujet mais cela ne va pas être simple au milieu de tout son bazar. Il doit me prévenir dès qu’il a remis la main dessus.

MAI 1929

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Mais si les conditions de la capture de la bête sont très intéressantes, ce qui a vraiment retenu mon attention, ce sont ses conclusions. Sur la même base que le premier article qu’il a écrit pour l’Illustrated London, il continue à avancer le fait qu'au-delà de la simple découverte d’une espèce inconnue, une nouvelle explication de l’évolution humaine peut être donnée grâce à cette dernière. Elle est nommée Ologénèse, et a été théorisée par... George Montandon ! Les deux chercheurs pensent que les être humains sont donc issus d’espèces venues de différentes parties du globe, alors que la théorie acceptée par la communauté scientifique est que nous sommes tous issus d’une seule et même espèce.

 

Pour l’appuyer, il tente une explication par l’image: “Observez un orang-outang de Malaisie, et vous serez frappé au premier coup d'œil par son apparence asiatique: petits yeux bridés, pommettes hautes, épaules étroites, manières silencieuses et prudentes. En le regardant, c'est un vieux Chinois que vous croyez voir. Avec le chimpanzé en revanche, la forme plus dressée du corps, l'envergure plus large de la poitrine, l'aspect plus franc du visage, l'expression ouverte... Vous ne pouvez pas manquer de noter sa ressemblance avec le type d'homme brun d’Afrique du Nord. Le gorille, noir de peau et de poil, avec son développement musculaire formidable, sa mandibule proéminente  et sa bouche aux lèvres épaisses, avec son front étroit et ses pieds plats ressemble pour tout le monde à une caricature de Nègre d'Afrique Centrale, qui est le pays des deux.” Cette explication m’a un peu laissé sur ma faim. Ces rapprochements ne semblent pas être le résultat d’études rationnelles et scientifiquement menées. 

 

Bref, j’étais venu jusque là afin d’obtenir des réponses à mes questions, mais après avoir lu cette seconde salve de la part de François de Loys, je ressors encore plus perdu que je ne l’étais. Le vieux Joe lui, gobe ses dires et croit dur comme fer à tout ce qu’explique de Loys, tellement obnubilé parce qu’il a découvert… Incorrigible, comme toujours. Pour en avoir le cœur net, il faudra qu’il soit de toute manière validé par ses pairs scientifiques… et ils risquent d'être difficiles à convaincre, si moi même simple lecteur à peine éclairé je me sens perdu dans cette affaire. 

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J’ai croisé le vieux Joe aujourd’hui. Cela fait plusieurs jours qu’il a retrouvé les articles que je lui ai demandés mais il avait oublié de venir me prévenir…. Je vais essayer de les récupérer demain après le travail. On a eu le temps d'en discuter un peu et, cette fois-ci, il a pu m’en dire un peu plus que la dernière fois. D'après lui, c’est bien un Suisse qui a découvert la bête. Il s’appelle François de Loys, était géologue et se trouvait au Vénézuela pour une expédition en 1917. Mais cela me paraît un peu bizarre. Je ne vois pas pourquoi il aurait mis plus de 10 ans à communiquer sur sa découverte. D’autant plus qu’apparemment ce ne serait même pas lui qui serait l’auteur des articles mais un certain George Montandon. 

 

Le vieux Joe passe ses journées à lire tout et n’importe quoi, il a certainement dû s'emmêler les pinceaux et me raconter des âneries. J’en aurai le cœur net demain si j’arrive à passer chez lui récupérer les articles.

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Alors que cette découverte n’a pas fini de défrayer la chronique en Amérique du Sud, ce même Tejera va envoyer un courrier au grand quotidien de référence de son pays, le Nacional de Caracas. Dans cette lettre, l’érudit n’y va par quatre chemins et attaque frontalement les travaux de Montandon : “Monsieur Montandon nous demande de croire que le singe en question fut rencontré dans une région ignorée du Venezuela, dans laquelle aucun Blanc n'est jamais allé. On voit sans aucun doute sur la photo, que le singe a été placé sur une caisse d'un produit américain et par derrière comme fond il y a une bananeraie”. Et de renchérir sur François de Loys : “De Loys était un plaisantin et maintes fois nous riions de ses blagues. Un jour on lui offrit un singe. Le singe avait la queue malade. Au point de se la couper. Il l'appelait l'homme-singe”.

 

Tejera, en bon connaisseur de son pays, affirme aussi que la photographie présentée a été prise dans un endroit à l’activité humaine présente et non pas en pleine forêt amazonienne comme il l’avance en raison de la présence d’un bananier en arrière-plan, arbre qui ne pousse pas de lui-même dans ce coin du monde...

 

C’est à la fois intriguant et déstabilisant. Toutes ces révélations m’obligent à me rendre à l’évidence ce que je pensais être une des plus grandes découvertes de notre siècle, n’est certainement qu’une fumisterie. Trop de choses clochent dans cette histoire. Il pourrait y avoir du vice dans chacune de ces critiques certes, mais cela voile à peine les nombreuses contradictions que porte ce dossier. J’en ai d'ailleurs fait une liste :

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CREDITS

INTRO

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